Mudwoman de Joyce Carol Oates

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Un coup de coeur ! Mais je ne peux dire que ce terme corresponde vraiment à ce que j'ai ressenti en lisant ce roman si dense, si approfondi comme analyse psychologique mais qui situe son action dans une période donnée de l'évolution de la société américaine. Et c'est passionnant : je me suis laissée embarquer, comme chaque fois avec Joyce Carol Oates.

Ce roman commence comme un conte et tout au long , tant dans les titres des chapitres que dans leur contenu cette ambiance irréelle et onirique est sous sous-jacente.

La métaphore de la boue est utilisée comme un fil rouge tout au long du roman : physiquement et mentalement .

Jetée, tel un déchet, par une mère démente au milieu des marais, alors qu'elle a à peine 3 ans, puis sauvée par un trappeur un peu simplet guidé par le Roi des Corbeaux, Mudgirl sera finalement adoptée (après un cour séjour dans une famille d'accueil plutôt marginale) par un couple de Quakers aimants . Ce couple de Quakers lui donne le nom de leur fille : Meredith Ruth morte à l'âge de 4 ans et reporte sur elle l'amour et les ambitions qu'ils rêvaient pour leur propre enfant. Et Meredith Ruth "Merry" pour eux tentera d'être ce qu'on attend d'elle: brillante, parfaite, irréprochable.
Elle sera la première femme présidente d'une Université de grand renom. Bourreau de travail, faisant preuve d'un dévouement total à ses élèves, elle sera rattrapée par son histoire et vacillera au bord de la démence.
Outre un problème mal maîtrisé avec un élève qui introduira le doute dans son parcours qu'elle voulait et estimait parfait, c'est un voyage sur les lieux qui l'ont vu naître et où elle a croisé la mort, qui va la jeter dans une terrible collision psychique avec son enfance.
Déstabilisée, M.R. est fragilisée: elle développe une forme de paranoïa, son état balançant entre rêve et réalité. Et là est la grande force narrative de Joyce Carol Oates: on se laisse prendre par ce suspens, cela devient un vrai thriller , car soi-même on oscille entre: vit-elle cela ou le rêve-t-elle ? C'est puissant !
En effet se mêlent les souvenirs, les rêves, les doutes quant à son action, quant à sa vie amoureuse et sexuelle :l'amant(secret) revient la hanter, nous hanter sans qu'on ne le connaisse vraiment. Et puis, son inquiétude face à la crise que traversent les Etats-Unis, on est après le 11 Septembre. Joyce Carol Oates, à travers les prises de position de son héroïne ne cache pas son opposition à l'administration Bush,ses doutes quant à l'intervention en Irak et la difficulté pour la présidente d'une Université de grand renom de se confronter aux intrigues souvent malveillantes des milieux académiques.
Et là , un autre thème cher à J.C. OATES est mis en valeur : la place de la femme dans la société américaine: ses conquêtes et les exigences des hommes qui guettent ses faiblesses .


C'est un roman essentiellement psychologique. Comme toujours J.C. Oates excelle dans l'analyse de l'inconscient de cette femme, brillante universitaire, professeur de philosophie, qui ne parvient pas à résoudre les blessures de son enfance et de son passé douloureux .

Ce roman m'a profondément touchée, tant par sa densité, par tous les thèmes qu'il aborde et développe et aussi par son style , son abord très original et onirique, sous forme de conte . Un grand roman !

Commentaires

1. Le dimanche 2 mars 2014, 18:08 par samanti

Tu me donnes envie ! Je le note, d'autant plus que je suis admiratrice de Joyce Carol Oates.

2. Le dimanche 2 mars 2014, 22:24 par Charlottine

Tu me donneras ton avis Samantdi.  J'aime beaucoup Joyce Carol Oates , son style, son art de pénétrer dans la psychologie de ses personnages et son regard sur la société américaine; elle va vraiment au fond des choses et dans des sujets très variés. J'ai lu pas mal de ses romans et n'ai jamais été déçue: mais elle est si prolixe que je n'arriverai jamais à tout lire ! J'ai en attente Petit oiseau du ciel et Nous étions les Mulvaney.

3. Le lundi 3 mars 2014, 06:25 par Persimmon

Ah, mais ça alors! C'est le deuxième billet que je lis sur Joyce Carol Oates aujourd'hui. D'autant plus surprenant que je suis moi-même en train de lire un roman de JC Oates: Black Girl, White Girl que j'aime beaucoup.

4. Le lundi 3 mars 2014, 08:42 par Charlottine

Bonjour Persimmon, bienvenue ici ! J'ai un peu parcouru ton blog qui m'a fait rêver: mon homme et moi aimons beaucoup l'Amérique du Nord, ses grands espaces et ses paysages. Pour en revenir à Joyce Carol Oates, je l'apprécie vraiment; j'ai lu Fille Noire, Fille Blanche et garde le souvenir d'une analyse très poussée là encore de la psychologie complexe de ces personnages . Bonne lecture donc et en plus tu as la chance de la découvrir en V.O.!

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